Contrats de concession : comment être relevé d’une interdiction de concourir

Le droit français ne peut pas empêcher une société condamnée de prouver qu’elle a pris les mesures correctrices nécessaires.

En raison d’une « infraction d’une particulière gravité », la société Vert Marine a été notamment condamnée par la justice française à une mesure d’interdiction de participer à une procédure de passation d’un contrat de concession pendant cinq ans, ce qui est la durée maximale autorisée par le droit européen.

Par la suite, dans le cadre d’une procédure ultérieure de passation d’un contrat de concession, elle conteste devant le juge administratif la disposition du droit français qui l’empêche de prouver que les mesures qu’elle a prises suffisent à démontrer au pouvoir adjudicateur sa fiabilité, malgré l’existence de ce motif d’exclusion. Comme elle conteste la conformité sur ce point du droit français à la directive 2014/23/UE du 26 février 2014 sur l’attribution de contrats de concession, le Conseil d’État français saisit la Cour de justice de l’Union européenne d’une demande de décision préjudicielle.

Non-conformité du droit français à la directive

La première partie de cette demande porte sur cette disposition du droit français. À vrai dire, la réponse de la CJUE est assez prévisible, puisque le paragraphe 9 de l’article 38 traite explicitement de ce sujet : « Tout opérateur économique qui se trouve dans l’une des situations [d’exclusion] visées aux paragraphes 4 et 7 peut fournir des preuves afin d’attester que les mesures qu’il a prises suffisent à démontrer sa fiabilité malgré l’existence du motif d’exclusion invoqué. Si ces preuves sont jugées suffisantes, l’opérateur économique concerné n’est pas exclu de la procédure. » En interdisant à Vert Marine de prouver que les mesures qu’elle a prises sont de nature à démontrer le rétablissement de sa fiabilité, le droit hexagonal n’est pas conforme à ce paragraphe.

Mais le Conseil d’État a aussi posé une autre question, en deux parties : si la directive 2014/23/UE « permet aux États membres de confier à d’autres pouvoirs que le pouvoir adjudicateur concerné le soin d’apprécier le dispositif de mise en conformité des opérateurs, une telle faculté permet-elle de confier ce dispositif à des autorités juridictionnelles ?

« Dans l’affirmative, des mécanismes tels que les dispositifs de droit français de relèvement, de réhabilitation judiciaire et d’exclusion de la mention de la condamnation au bulletin no 2 du casier judiciaire peuvent-ils être assimilés à des dispositifs de mise en conformité au sens de la directive ? »

Le juge peut vérifier si un opérateur économique a pris des mesures correctrices appropriées

En ce qui concerne la première partie, la réponse est positive : l’article 38 de la directive « ne s’oppose pas à ce que l’examen du caractère approprié des mesures correctrices prises par un opérateur économique soit confié aux autorités judiciaires ». Il faut toutefois que la procédure applicable soit compatible avec les délais imposés par la procédure de passation des contrats de concession.

De même, l’article 38 « ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui permet aux autorités judiciaires de relever une personne d’une interdiction de plein droit de participer aux procédures de passation de contrats de concession à la suite d’une condamnation pénale, d’effacer une telle interdiction ou d’exclure toute mention de la condamnation dans le casier judiciaire ».

Mais là encore, de telles procédures doivent permettre de lever en temps utile l’interdiction frappant un opérateur économique qui souhaite participer à une procédure de passation d’un contrat de concession. Elles ne doivent porter que sur le caractère approprié des mesures correctrices invoquées par cet opérateur et évaluées par l’autorité judiciaire compétente conformément aux exigences prévues par le paragraphe 9 de l’article 38 ; il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier que c’est bien le cas.

Arrêt de la Cour (neuvième chambre) du 11 juin 2020 (demande de décision préjudicielle du Conseil d’État — France) — Vert Marine SAS / Premier ministre, Ministre de l’Économie et des Finances (Affaire C-472/19) (Renvoi préjudiciel – Procédure de passation de contrats de concession – Directive 2014/23/UE – Article 38, paragraphe 9 – Régime des mesures correctrices destinées à prouver le rétablissement de la fiabilité d’un opérateur économique concerné par un motif d’exclusion – Réglementation nationale interdisant aux opérateurs économiques faisant l’objet d’un motif d’exclusion obligatoire de participer à une procédure de passation de contrats de concession pendant cinq ans – Exclusion de toute possibilité, pour de tels opérateurs, d’apporter la preuve des mesures correctrices prises) (JOUE C 271, 17 août 2020, p. 20)

Voir aussi JOUE C 280, 19 août 2019, p. 31.

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