Dans quelles limites les préfets peuvent déroger aux réglementations nationales

Le préfet ne peut accorder que des dérogations individuelles, mais il pourra dans certains cas proposer au ministre compétent de retoucher une règle générale.

Après avoir été expérimenté pendant deux ans dans une partie du territoire français, le droit de dérogation aux normes réglementaires, dévolu au préfet pour accompagner et faciliter les projets publics et privés, a été généralisé par le décret n2020-412 du 8 avril 2020.

Le Conseil d’État a validé cette expérimentation, notamment en matière d’environnement (CE 17 juin 2019, n421871, Lebon). Il a toutefois confirmé que ces dérogations étaient limitées, « d’une part, aux règles qui régissent l’octroi des aides publiques afin d’en faciliter l’accès, d’autre part, aux seules règles de forme et de procédure applicables dans les matières énumérées afin d’alléger les démarches administratives et d’accélérer les procédures ».

Les règles applicables restent les mêmes que celles qui encadraient l’expérimentation. La présente instruction les rappelle en détail, et elle en profite pour éclaircir quelques points qui ont pu poser problème. Toutefois, il semble que les 183 arrêtés préfectoraux pris depuis deux ans dans ce contexte n’ont pas provoqué de difficulté particulière.

Toute dérogation devra être motivée

Pour les dossiers les plus sensibles, les préfets ont en effet largement utilisé la faculté qui leur avait été accordée d’organiser une concertation préalable, puis de peser le pour et le contre avant de prendre leur décision. Par mesure de prudence, la présente instruction rappelle que toute décision de dérogation devra être minutieusement motivée.

Un point précisé est la notion de sécurité : une dérogation ne peut pas être accordée quand elle serait de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes, des animaux et des biens. Mais ce n’est pas parce qu’une réglementation a une incidence sur la sécurité, par exemple en matière de prévention contre les inondations, que le préfet ne peut pas y déroger dans le présent cadre : c’est la dérogation elle-même qui ne doit pas porter atteinte à la sécurité. Dans tous les cas, la dérogation doit être justifiée à la fois par un motif d’intérêt général et par l’existence de circonstances locales.

Et il ne s’agit pas d’une délégation du pouvoir réglementaire permettant au préfet d’adapter ou de simplifier localement des normes réglementaires nationales : sa décision doit porter sur une demande individuelle et être prise au cas par cas.

Toutefois, si un grand nombre de demandes portent sur une même disposition réglementaire, par exemple pour accélérer une procédure, le préfet devra tout d’abord vérifier si ce n’est pas la pesanteur des services de l’État qui retarde l’instruction des dossiers. Si c’est le cas, il devra prendre les mesures nécessaires pour y remédier. Sinon, il pourra toujours proposer au ministère concerné de modifier la rédaction de la réglementation concernée, voire de la faire évoluer sur le fond.

Instruction du Premier ministre : dévolution au préfet d’un droit de dérogation aux normes réglementaires (n6201/SG, mise en ligne le 11 août 2020).

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