Destruction ou mise en conformité d’un ouvrage irrégulier

Le juge ne peut pas imposer la démolition si le propriétaire accepte la mise en conformité.

Dans la commune d’Yèvre-la-Ville (Loiret), un propriétaire a édifié une construction sans respecter les règles d’urbanisme. La commune a donc saisi le tribunal de grande instance, en application de l’article L. 480-14 du code de l’urbanisme, pour obtenir la destruction ou la mise en conformité de l’ouvrage irrégulier.

Le propriétaire a contesté la validité de cette disposition, et le Conseil constitutionnel a donc été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur cet article et fondée avant tout sur les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui consacrent le droit de propriété.

Un ouvrage irrégulier n’est pas protégé par le droit de propriété

Le requérant se fait envoyer sur les roses : « L’action en démolition prévue par les dispositions contestées ne constitue qu’une conséquence des restrictions apportées aux conditions d’exercice du droit de propriété par les règles d’urbanisme. Elle n’a pour objet que de rétablir les lieux dans leur situation antérieure à l’édification irrégulière de la construction concernée. Il en résulte que, si la démolition d’un tel ouvrage a pour effet de priver son propriétaire de la propriété de ce bien irrégulièrement bâti, elle n’entre pas dans le champ d’application de l’article 17 de la Déclaration de 1789. »

En outre, cette action en démolition « est justifiée par l’intérêt général qui s’attache au respect des règles d’urbanisme, lesquelles permettent la maîtrise, par les collectivités publiques, de l’occupation des sols et du développement urbain ».

Le Conseil constitutionnel souligne aussi que la loi encadre strictement cette procédure : elle ne peut être introduite « que par les autorités compétentes en matière de plan local d’urbanisme et dans un délai de dix ans qui commence à courir dès l’achèvement des travaux », et la démolition ne peut être prononcée que par le juge judiciaire. Et cela ne peut viser que des ouvrages édifiés ou installés en violation du code de l’urbanisme.

Mais la présente décision innove toutefois sur un point, en encadrant encore davantage les pouvoirs du juge : « les dispositions contestées ne sauraient, sans porter une atteinte excessive au droit de propriété, être interprétées comme autorisant la démolition d’un tel ouvrage lorsque le juge peut, en application de l’article L. 480-14, ordonner à la place sa mise en conformité et que celle-ci est acceptée par le propriétaire ». Le requérant n’a donc peut-être pas tout perdu.

Sous cette réserve, « les limitations apportées par les dispositions contestées à l’exercice du droit de propriété résultant de l’article 2 de la Déclaration de 1789 sont justifiées par un motif d’intérêt général et […] proportionnées à cet objectif ». L’article contesté est donc bien conforme à la Constitution.

Décision n2020-853 QPC du 31 juillet 2020 (JO 1er août 2020, texte n135).

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