o Détérioration temporaire de l’état d’une masse d’eau

La France a eu tort de ne pas appliquer la DCE, sous le prétexte que les impacts d’un projet ou d’un programme ne détérioraient pas sur le long terme l’état d’une masse d’eau.

Saisi d’un recours par France nature environnement, contre une autorisation accordée par le ministère de la transition écologique et solidaire, le Conseil d’État a demandé à la Cour de justice de l’Union européenne de rendre une décision préjudicielle, pour interpréter l’article 4 de la directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau, dite DCE.

Peut-on négliger les impacts de courte durée ?

Cet article, le plus important de ce texte, impose notamment aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour prévenir la détérioration de l’état de toutes les masses d’eau de surface et souterraines. Le Conseil d’État demande si cet article permet aux États membres, lorsqu’ils autorisent un programme ou un projet, de ne pas prendre en compte ses impacts temporaires de courte durée et sans conséquences de long terme sur l’état de l’eau de surface.

En règle générale, répond la CJUE, cet article ne permet pas aux États membres, lorsqu’ils apprécient la compatibilité d’un programme ou d’un projet particulier avec l’objectif de prévention de la détérioration de la qualité des eaux, de ne pas tenir compte d’impacts temporaires de courte durée et sans conséquences de long terme sur celles-ci. Ils peuvent toutefois ne pas en tenir compte s’il est manifeste que de tels impacts n’ont, par nature, que peu d’incidence sur l’état des masses d’eau concernées et qu’ils ne peuvent entraîner de détérioration de cet état, au sens de la DCE.

On notera que la DCE ne définit pas précisément la notion de détérioration. Toutefois, le troisième alinéa du paragraphe 7 de cet article 4 permet de la déduire. Il envisage en effet le cas où « l’échec des mesures visant à prévenir la détérioration d’un très bon état vers un bon état de l’eau de surface résulte de nouvelles activités de développement humain durable ». Par extension, on peut considérer qu’une masse d’eau subit une détérioration, au sens de la DCE, lorsque son état est rétrogradé d’une classe de qualité. C’est l’interprétation couramment retenue.

Une détérioration temporaire n’en est pas moins une détérioration

Ce paragraphe 7 détaille les conditions dans lesquelles un État membre peut ne pas rétablir le bon état ou le bon potentiel d’une masse d’eau, ou ne pas empêcher la détérioration de son état. La CJUE s’appuie sur cette disposition pour compléter son arrêt : lorsque, dans le cadre de la procédure d’autorisation d’un programme ou d’un projet, les autorités nationales compétentes déterminent que celui-ci est susceptible de provoquer une détérioration, même de caractère temporaire, ce programme ou ce projet ne peut être autorisé que si les conditions prévues à l’article 4, paragraphe 7, sont remplies.

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 5 mai 2022 (demande de décision préjudicielle du Conseil d’État — France) — Association France nature environnement / Premier ministre, ministre de la transition écologique et solidaire (Affaire C-525/20) (Renvoi préjudiciel – Environnement – Directive 2000/60/CE – Cadre pour une politique de l’Union européenne dans le domaine de l’eau – Article 4, paragraphe 1, sous a) – Objectifs environnementaux relatifs aux eaux de surface – Obligation des États membres de ne pas autoriser un programme ou un projet susceptible de provoquer une détérioration de l’état d’une masse d’eau de surface – Notion de « détérioration » de l’état d’une masse d’eau de surface – Article 4, paragraphes 6 et 7 – Dérogations à l’interdiction de détérioration – Conditions – Programme ou projet ayant des impacts temporaires de courte durée et sans conséquences de long terme sur l’état d’une masse d’eau de surface) (JOUE C 244, 27 juin 2022, p. 8)

Voir également JOUE C 35, 1er févr. 2021, p. 25.

Retour