o Éditorial : Toujours en grève

La grève de l’Autorité environnementale (Ae) se poursuit. Dans sa réunion du 9 décembre, elle a ainsi refusé de rendre des avis sur le programme Interreg océan Indien 2021-2027 et sur le contrat d’avenir État-région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Rappelons qu’elle entend dénoncer ainsi l’insuffisance des moyens qui lui sont alloués, alors que les projets, plans et programmes qu’elle doit examiner sont de plus en plus nombreux. Rappelons aussi que ce mouvement d’humeur ne vise pas les projets, mais seulement certains plans et programmes présentés par l’État, parfois à la dernière minute.

Cette situation inédite pourrait-elle entraîner des conséquences juridiques, notamment en cas de contentieux portant sur un plan ou un programme qui n’aurait pas reçu d’avis ? A priori non, si l’on en croit le code de l’environnement. L’absence d’avis serait sans doute un motif d’annulation si elle était due à une carence du porteur de projet ou de l’autorité qui a élaboré le plan ou le programme. Mais la partie réglementaire de ce code a prévu une solution si cette absence d’avis est due à l’Ae elle-même : « L’autorité environnementale dispose d’un délai d’un mois pour rendre son avis. En l’absence de réponse dans ce délai, elle est réputée n’avoir aucune observation à formuler », lit-on par exemple à l’article R. 122-8. Et à l’article R. 122-21 : « L’avis, dès son adoption, ou l’information relative à l’absence d’observations émises dans [le délai de trois mois], est mis en ligne et transmis à la personne publique responsable. »

Il semble ainsi que, du moment qu’un dossier complet lui a été soumis, l’Ae peut se dispenser de formuler un avis ou d’émettre des observations sans affecter la régularité de la procédure. Fort bien, mais il est très peu probable que les rédacteurs de ces articles aient envisagé la situation actuelle, c’est-à-dire, non pas l’absence d’observations, mais le refus explicite de rendre un avis. Si l’Ae était une autorité administrative indépendante ou une autorité publique indépendante, ce refus n’engagerait qu’elle-même. Mais cette « Autorité environnementale » est en réalité la formation d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable. Et le CGEDD est le service d’inspection du ministère de la transition écologique. Formellement, l’Ae est donc un service de l’État, même si elle bénéficie d’une autonomie garantie par les textes, surtout pour l’examen des plans et projets portés par son propre ministère.

Ainsi, quand l’Ae fait la grève des avis, on peut se demander si cela ne constitue pas une faute de l’État, juridiquement parlant. Car l’État a l’obligation d’appliquer la convention d’Aarhus, signée notamment par la France, et sa déclinaison européenne, la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement. À cette heure, il n’existe évidemment aucune jurisprudence sur cette question, puisque cette grève n’a débuté que le mois dernier. Mais si l’un des plans ou programmes concernés est déféré à un juge français ou européen pour ce motif, il sera très intéressant de suivre ce contentieux.

René-Martin Simonnet

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