o Évaluation environnementale : que faire en cas de modification ou d’extension ?

La directive EIE impose dans certains cas une nouvelle évaluation environnementale du projet ainsi modifié, mais elle ne rentre pas dans les détails. Le présent texte donne des orientations complémentaires.

Décidément, les États membres de l’Union européenne ont bien du mal à appliquer le principe d’évaluation des incidences sur l’environnement, tel qu’il est fixé par la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences sur l’environnement, dite directive EIE. Après avoir précisé les exceptions à ce principe, la Commission européenne publie ici un deuxième document d’orientation, qui porte surtout sur les modifications et les extensions des projets soumis à évaluation environnementale.

Les États membres demandent des précisions

Le présent texte s’appuie notamment sur la jurisprudence récente de la Cour de justice de l’Union européenne, en particulier sur un arrêt du 29 juillet 2019 concernant la prolongation de la durée de vie de la centrale nucléaire située à Doel, en Belgique (affaire C-411/17). Le sujet a suscité en outre de nombreuses demandes de précisions de la part des États membres.

La directive EIE définit les obligations procédurales applicables aux projets publics et privés relevant de son champ d’application et susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement. Ces projets doivent faire l’objet d’une autorisation, précédée par une évaluation de leurs incidences sur l’environnement. Son annexe I donne une liste de projets pour lesquels cette évaluation est obligatoire dans tous les cas, par exemple les installations de traitement des eaux résiduaires d’une capacité supérieure à 150 000 équivalents-habitants.

Son annexe II donne une autre liste de projets devant faire l’objet d’une procédure de vérification préliminaire, appelée en France « évaluation au cas par cas », afin de déterminer s’ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ; cela concerne par exemple les forages profonds pour l’approvisionnement en eau. La décision au cas par cas doit tenir compte de la nature, des dimensions et de la localisation du projet.

Deux annexes, deux principes différents

Le point 24 de l’annexe I impose une évaluation systématique pour « toute modification ou extension des projets énumérés dans la présente annexe qui répond en elle-même aux seuils éventuels, qui y sont énoncés ». C’est clair.

Mais le a du point 13 de l’annexe II impose une évaluation au cas par cas pour « toute modification ou extension des projets figurant à l’annexe I ou à la présente annexe, déjà autorisés, réalisés ou en cours de réalisation, qui peut avoir des incidences négatives importantes sur l’environnement (modification ou extension ne figurant pas à l’annexe I) ». C’est beaucoup moins limpide, et l’on comprend les hésitations des autorités chargées de faire appliquer la directive EIE.

Un projet ne peut relever de cette directive que s’il comporte des travaux ou des interventions physiques. Tel n’est pas le cas du renouvellement d’une autorisation existante, en l’absence de travaux ou d’interventions modifiant la réalité physique du site et du projet original. À l’inverse, une modification ou une extension de projet susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement doit être soumise à une procédure de demande d’autorisation.

L’autorisation au titre de la directive EIE ne se confond pas avec d’autres autorisations qui peuvent s’y ajouter en fonction du droit national, par exemple une autorisation d’exploitation quand le projet a été réalisé. Par conséquent, le renouvellement d’une autorisation d’exploitation, en l’absence de travaux ou d’interventions modifiant la réalité physique d’un site, doit être distingué de l’autorisation EIE.

Quand une procédure prévoit plusieurs autorisations

Si une modification ou une extension s’inscrit dans le cadre d’une procédure complexe, avec plusieurs étapes et éventuellement plusieurs autorisations, l’évaluation environnementale doit être réalisée dès qu’il est possible de déterminer et d’évaluer toutes les incidences que le projet est susceptible d’avoir sur l’environnement.

Si cette procédure complexe comporte une décision principale, l’autorisation EIE doit être liée à cette décision ; toutefois, si des décisions d’exécution sont également susceptibles d’affecter l’environnement, il peut être nécessaire de réaliser des évaluations supplémentaires à un stade ultérieur, qui doivent couvrir tous les aspects du projet pas encore évalués ou nécessitant une nouvelle évaluation.

Défense de fractionner les projets

L’objectif de la directive EIE ne doit pas être détourné par un fractionnement des projets, et l’absence de prise en considération de l’effet cumulatif de plusieurs projets ne doit pas avoir pour résultat pratique de les soustraire dans leur totalité à l’obligation d’évaluation alors que, pris ensemble, ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

Par conséquent, si plusieurs projets, pris ensemble, sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, leurs incidences sur l’environnement devraient être évaluées ensemble et de manière cumulative. Il appartient aux autorités nationales d’examiner dans quelle mesure il convient d’apprécier globalement les effets sur l’environnement des projets dont il est question et des projets réalisés antérieurement.

L’évaluation doit porter sur les incidences globales d’un projet. Par exemple, dans l’affaire Doel, on ne devait pas dissocier la décision de prolonger de dix ans l’exploitation d’une centrale nucléaire et les travaux de modernisation qui en découlent. Peu importe en l’occurrence que la prolongation ait été décidée dans une loi, alors que les travaux relèvent de l’exploitant, puisque ces travaux étaient connus du législateur et étaient liés à la loi : il s’agit d’un seul et même projet.

Cumul de petites modifications

En outre, la nécessité d’une évaluation globale doit être prise en considération lorsque de nombreuses modifications techniques ou opérationnelles sont apportées pendant l’exploitation d’une installation. Il est courant qu’une installation fasse l’objet d’améliorations, dont chacune ne présente pas de risque significatif pour l’environnement ; mais si elles sont liées de manière tangible, leurs incidences cumulées sur l’environnement devraient alors être évaluées dans leur ensemble. Par conséquent, lorsqu’il existe un lien inextricable entre de multiples modifications mineures, celles-ci peuvent représenter un projet au sens de la directive EIE.

La Commission s’attaque ensuite à la question du rattrapage : si l’évaluation environnementale a été omise, peut-on la réaliser après coup ? En théorie non, puisque la directive EIE ne le prévoit pas. Toutefois, en vertu du principe de coopération loyale, les États membres sont tenus de remédier aux conséquences d’une violation du droit de l’Union. Donc en pratique oui.

La CJUE exige toutefois que l’évaluation ne porte pas seulement sur l’avenir, mais aussi sur les incidences environnementales survenues depuis que le projet concerné a été engagé. Il faut en outre que cette régularisation soit autorisée par le droit national de l’État membre concerné et ne permette pas de contourner les exigences de la directive EIE. Tout ce raisonnement vaut aussi pour les modifications et les extensions de projets.

La directive ne définit pas les notions de modification et d’extension, et la CJUE ne donne pas beaucoup d’éléments complémentaires. Elle a toutefois précisé, dans l’affaire Deol qui porte sur le point 24 de l’annexe I, que ce point « vise les modifications ou les extensions d’un projet qui, notamment par leur nature ou leur ampleur, présentent des risques similaires, en termes d’incidences sur l’environnement, au projet lui-même ». Mais l’adverbe « notamment » laisse la porte ouverte à d’autres interprétations.

En outre, la directive n’indique pas de procédure pour établir le niveau du risque d’incidences sur l’environnement du projet : il appartient au maître d’ouvrage et aux autorités d’analyser le projet, en particulier pour les catégories qui relèvent de l’annexe I sans mention d’un seuil. En revanche, quand un seuil est indiqué dans cette annexe, il faut déterminer si la modification ou l’extension conduira à le dépasser ; si oui, une évaluation est nécessaire, et doit porter sur l’ensemble du projet.

Impact environnemental d’une prolongation

Pour les projets relevant de l’annexe II, l’examen au cas par cas doit porter plus globalement sur la possibilité qu’une modification ou une extension conduise l’ensemble du projet à présenter des incidences négatives importantes sur l’environnement. Dans tous les cas, si la modification prévue aboutit à prolonger une autorisation EIE déjà accordée, il faut en vérifier l’impact environnemental.

Communication de la Commission relative à l’application de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil concernant l’évaluation des incidences sur l’environnement, telle que modifiée par la directive 2014/52/UE, aux modifications et extensions des projets relevant de l’annexe I, point 24, et de l’annexe II, point 13 a), y compris aux principaux concepts et principes connexes (JOUE C 486, 3 déc. 2021, p. 1).

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