Production d’eau de mer propre et sécurité sanitaire des eaux

L’eau de mer utilisée dans les usines alimentaires devra respecter des limites de qualité. D’autres modifications concernent l’eau destinée à la consommation humaine et l’eau minérale naturelle.

Sommes-nous en train de vivre la naissance d’un nouveau métier : celui de producteur et de distributeur d’eau de mer propre ? Si c’est le cas, ce sera après une gestation exceptionnelle, puisque le présent texte réalise seulement maintenant la transposition partielle d’une disposition prévue par les règlements (CE) nos 852/2004 et 853/2004 du 29 avril 2004.

Cette disposition autorise l’utilisation d’eau non potable dans les entreprises agroalimentaires. Son volet législatif avait été transposé en droit français sous la forme d’un chapitre Eaux non potables, inséré dans le code de la santé publique (CSP) par l’ordonnance n2017-9 du 5 janvier 2017 relative à la sécurité sanitaire.

Mais comme il y avait eu une erreur de numérotation, ce chapitre a été déplacé et renuméroté par l’ordonnance n2018-21 du 17 janvier 2018 de mise en cohérence des textes au regard des dispositions de la loi n2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

Dans sa version actuelle, l’article L. 1321-1 du CSP autorise l’utilisation d’eau impropre à la consommation pour les usages domestiques et pour la préparation et la conservation de toutes denrées et marchandises destinées à l’alimentation humaine, mais uniquement dans les cas prévus en application de l’article L. 1322-14 du CSP. Ce dernier article précise que la qualité de ces eaux ne doit avoir aucune influence, directe ou indirecte, sur la santé de l’usager et sur la salubrité de la denrée alimentaire finale. Il doit être appliqué par décret en Conseil d’État, à raison d’un texte pour chaque type d’eau concernée.

On commence par l’eau de mer

Le présent texte ouvre le bal, en créant dans la partie réglementaire du CSP une section 1, intitulée Eau de mer propre, qui comprend les articles R. 1322-68 à R. 1322-75 ; d’autres sections devraient donc suivre pour d’autres catégories d’eaux non potables.

Cette nouvelle section s’applique à compter du 1er octobre 2020. Toutefois, un délai supplémentaire de six mois est accordé aux installations bénéficiant déjà d’une autorisation d’exploitation de la ressource en eau ou d’un avis sur l’utilisation de l’eau de mer propre en industrie agro-alimentaire ; leurs exploitants doivent déposer une demande d’autorisation selon les nouvelles modalités au plus tard le 31 janvier 2021.

Les viviers et les navires ne sont pas concernés

En outre, la plus grande partie de cette section ne s’applique ni à la production d’eau de mer propre utilisée au contact des mollusques bivalves vivants ou pour l’alimentation des viviers de crustacés et de poissons, ni à l’eau pompée au large pour être utilisée à bord des navires.

Une eau de mer propre est une eau de mer ou une eau saumâtre, qui peut être naturelle, artificielle ou purifiée, mais qui ne contient pas de micro-organismes, de substances nocives ou de plancton marin toxique en quantités susceptibles d’avoir une incidence directe ou indirecte sur la qualité sanitaire des denrées alimentaires.

Sauf dans les cas indiqués ci-dessus, toute production d’eau de mer propre est soumise à autorisation du préfet du département dans lequel est située l’installation de production. Cette autorisation est délivrée au vu d’un dossier comprenant notamment les informations permettant d’évaluer la qualité de l’eau et l’analyse des risques liés à la production, notamment en ce qui concerne la qualité de l’eau de mer propre produite.

Les frais de constitution du dossier sont à la charge du demandeur. Son contenu est précisée par arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et de l’agriculture, pris après avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).

Le préfet fixe les modalités de surveillance de la qualité de l’eau produite

Le préfet statue par un arrêté motivé sur la demande, sur la base notamment de l’analyse des risques réalisée par le responsable de la production. S’il accorde l’autorisation, son arrêté mentionne notamment les lieux et zone de production, les conditions du prélèvement d’eau de mer et les modalités de surveillance de la qualité de l’eau de mer propre.

Toute modification des conditions du prélèvement d’eau de mer et de la production d’eau de mer propre doit faire l’objet d’une demande de modification de l’arrêté préfectoral d’autorisation. Le titulaire de l’autorisation transmet au préfet tous les éléments utiles pour l’appréciation du projet, avant son exécution. Le changement de titulaire de l’autorisation, sans autre modification, fait l’objet d’une déclaration auprès du préfet, qui modifie l’arrêté d’autorisation existant.

Paramètres microbiologiques et physico-chimiques

L’eau de mer propre produite doit satisfaire à des limites de qualité et à des références de qualité, portant sur des paramètres microbiologiques et physico-chimiques et fixées par arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et de l’agriculture, pris après avis de l’Anses. Cet arrêté ministériel définit également des limites et références de qualité complémentaires dont le préfet peut imposer le respect, dans le cadre de son arrêté d’autorisation, si la situation locale le justifie.

Lorsque la qualité de l’eau de mer le nécessite, le responsable de la production d’eau de mer propre met en place un système de traitement approprié. Il surveille alors en permanence la qualité de l’eau de mer propre et vérifie régulièrement le bon fonctionnement des installations au moyen d’un programme de tests et d’analyses effectués à des points de surveillance déterminés en fonction des dangers identifiés.

Un arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et de l’agriculture précise, selon les caractéristiques des installations de production d’eau de mer propre, la nature des analyses, les fréquences minimales des prélèvements et des analyses et leurs modalités de réalisation. Le responsable de la production adresse chaque année au directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) et au préfet un bilan des résultats de la surveillance de la qualité de l’eau de mer propre. Il tient à leur disposition les résultats de cette surveillance et toute information en relation avec cette qualité.

Surveillance renforcée ou allégée en fonction des conditions locales

Le directeur général de l’ARS peut, de sa propre initiative ou sur demande du préfet ou du responsable de la production, renforcer ou alléger pour un producteur les obligations relatives au contenu et à la fréquence des analyses d’échantillons d’eau de mer propre prévues par l’arrêté ministériel, si les conditions de protection de la zone de prélèvement de l’eau de mer, les conditions de fonctionnement des installations, les vérifications effectuées ou la qualité de l’eau prélevée ou de l’eau de mer propre le nécessitent ou le permettent.

Il peut aussi diligenter des inspections et faire procéder par le responsable de la production à des prélèvements et à des analyses supplémentaires, aux frais de ce dernier.

Lorsque les limites de qualité ne sont pas respectées pour l’eau de mer propre produite, ou en cas de danger susceptible d’en compromettre la sécurité sanitaire, le responsable de la production d’eau de mer propre est tenu d’arrêter immédiatement la production et la distribution d’eau de mer propre tant que ces limites de qualité ne sont pas respectées, et de prendre les mesures correctives nécessaires afin de rétablir la qualité de l’eau de mer propre produite.

Il doit informer immédiatement les exploitants du secteur alimentaire utilisant cette eau, ainsi que le préfet qui peut prescrire des mesures correctives complémentaires. Il doit enfin signaler au préfet l’application effective des mesures prises.

Lorsque ce sont les références de qualité qui ne sont pas satisfaites, le responsable de la production d’eau de mer propre prend dans les meilleurs délais les mesures correctives nécessaires en vue de rétablir la qualité de l’eau de mer propre produite.

Uniquement pour les poissons et les fruits de mer

L’utilisation d’eau de mer propre au contact des denrées alimentaires est autorisée uniquement pour les produits de la pêche et pour certains invertébrés aquatiques ou marins, selon les modalités détaillées au chapitre VII de l’annexe II du règlement (CE) n852/2004 et à la section VIII de l’annexe III du règlement (CE) n853/2004.

L’entreprise du secteur alimentaire qui utilise de l’eau de mer propre est responsable de cette utilisation. La charge de la preuve de son innocuité lui incombe. Cette eau doit circuler dans un réseau séparé dûment signalé. L’interconnexion avec un réseau d’eau destinée à la consommation humaine est interdite.

L’utilisateur dispose d’une copie de l’arrêté préfectoral d’autorisation. En cas d’utilisation dans un établissement agréé au titre de l’article L. 233-2 du code rural et de la pêche maritime, cette copie doit être jointe au dossier d’agrément de l’établissement.

Le préfet peut suspendre ou interdire la production d’eau de mer propre

En cas de non-respect des dispositions ci-dessus ou des décisions individuelles prises pour leur application, le préfet adresse au responsable de la production d’eau de mer propre une mise en demeure de faire cesser les manquements constatés, dans un délai qu’il fixe. Cette mise en demeure précise les mesures à appliquer et impartit un délai pour présenter des observations. En cas de manquement persistant, le préfet peut interdire la production d’eau de mer propre dans l’installation en cause jusqu’à sa mise en conformité.

Lorsque l’eau de mer propre produite ou utilisée présente un risque imminent pour la santé publique, et quand bien même elle respecterait les limites et références de qualité, le préfet peut ordonner sans formalité préalable l’arrêt de la production, de la distribution ou de l’utilisation d’eau de mer propre.

Modification d’autres articles portant sur l’eau dans le code de la santé publique

Comme le ministère chargé de la santé ne publie pas tous les jours un décret en Conseil d’État sur l’eau, il profite du présent texte pour modifier et mettre à jour quarante autres articles de la partie réglementaire du CSP. Ces modifications sont d’une importance inégale. On peut retenir celles-ci :

• Art. R. 1321-9 : Le silence gardé pendant plus de deux mois par le préfet sur une demande d’autorisation temporaire pour l’utilisation d’eau en vue de la consommation humaine vaut décision de rejet.

• Art. R. 1321-10 : Pour une installation de conditionnement d’eau, les règles d’autorisation d’utilisation d’eau en vue de la consommation humaine sont désormais les mêmes que celles applicables aux installations de conditionnement d’une eau minérale naturelle, telles qu’elles figurent aux articles R. 1322-9 et R. 1322-10 (voir ci-après).

Hydrogéologue agréé au bout de quatre mois

• Art. R. 1321-14 : Le silence gardé par le directeur général de l’ARS pendant plus de quatre mois sur une demande d’agrément d’un hydrogéologue vaut désormais décision d’acceptation, et non plus de rejet.

• Art. R. 1321-25 : Pour les installations de production et les unités de distribution d’eau desservant une population de plus de 3 500 habitants, le directeur général de l’ARS est toujours destinataire du bilan annuel de fonctionnement du système de production et de distribution ; mais il n’est plus tenu de le transmettre au préfet : il le tient simplement informé en tant que de besoin.

• Art. R. 1321-32 : Lorsqu’un responsable de la distribution d’eau destinée à la consommation humaine (EDCH) dépose auprès du préfet une demande de dérogation aux limites de qualité portant sur les paramètres chimiques, le silence gardé par le pré-fet pendant plus de quatre mois vaut décision d’acceptation de la première demande, et non plus de rejet.

Utilisation d’une eau superficielle non conforme aux limites de qualité

• Art. R. 1321-42 : Si une demande est déposée auprès du préfet pour qu’il accorde une autorisation exceptionnelle d’utiliser une eau superficielle dont les caractéristiques physiques, chimiques et microbiologiques sont supérieures aux limites de qualité des eaux brutes, son silence gardé pendant plus de six mois vaut décision d’acceptation.

• Art. R. 1321-50 : La personne responsable de la mise sur le marché d’un produit ou d’un procédé de traitement non réglementaire de l’EDCH doit toujours, avant la première mise sur le marché, adresser une demande au ministre de la santé. Jusqu’à présent, si l’Anses ne rendait pas un avis favorable sur ce produit ou ce procédé, sa mise sur le marché était interdite. Désormais, à l’inverse, le silence gardé pendant plus de six mois par le ministre vaut décision d’acceptation.

• Art. R. 1321-53 : Cet article régit toujours les dispositifs de traitement complémentaires de la qualité de l’eau, installés sur les réseaux intérieurs de distribution d’EDCH. Il ne s’appliquait jusqu’à présent qu’aux installations collectives ; il s’applique désormais aussi aux réseaux desservant un seul logement.

Produits et procédés de nettoyage des installations

• Art. R. 1321-54 : Cet article, qui porte sur les produits et les procédés physiques utilisés pour le nettoyage et la désinfection des installations de production, de distribution et de conditionnement d’EDCH, est largement étoffé.

La personne responsable de la mise sur le marché d’un produit ou d’un procédé de nettoyage et de désinfection des installations dont les composants ne figurent pas dans la liste arrêtée par les ministres compétents doit, avant la première mise sur le marché, adresser une demande d’autorisation au ministre chargé de la santé, en y joignant les preuves de l’innocuité et de l’efficacité du produit ou du procédé.

Le ministre soumet la demande à l’avis de l’Anses. Le silence gardé pendant plus de six mois sur la demande d’autorisation de mise sur le marché vaut décision d’acceptation.

• Art. R. 1321-56 : En matière de nettoyage des réseaux et installations publics de distribution d’EDCH, la personne responsable de la production ou de la distribution d’eau peut toujours demander au préfet que la fréquence de vidange, de nettoyage, de rinçage et de désinfection soit inférieure à un an. Le silence gardé par le préfet pendant plus de quatre mois ne vaut plus décision de rejet mais d’acceptation de cette demande.

• Art. R. 1321-59 : L’utilisation des canalisations intérieures d’eau pour la mise à la terre des appareils électriques est interdite. Les dérogations antérieures prévues par le présent article sont supprimées.

• Art. R. 1321-84 : Une eau de source doit faire l’objet d’un conditionnement à la source. Son transport en tous récipients autres que ceux destinés au consommateur final est interdit.

• Art. R. 1321-89 : Il est interdit de commercialiser sous plusieurs désignations commerciale une eau de source provenant d’une même source.

Reprise de l’exploitation d’une source d’eau minérale naturelle

• Art. R. 1322-10 : L’autorisation d’exploiter une eau minérale naturelle (EMN) est réputée caduque si cette exploitation a été interrompue pendant plus de cinq années consécutive, et non plus trois années. En cas d’interruption de l’exploitation pendant plus de trois années consécutives, une nouvelle vérification, effectuée dans les conditions prévues à l’article R. 1322-9, est réalisée avant la remise en service des installations.

• Art. R. 1322-12 : En cas de modification des installations et des conditions d’exploitation d’une EMN, une nouvelle vérification, effectuée dans les conditions prévues à l’article R. 1322-9, est réalisée avant la remise en service de ces installations.

Protection d’une source d’eau minérale naturelle

• Art. R. 1322-24 : Quand une demande d’autorisation préalable est adressée au préfet, pour pratiquer un sondage ou un travail souterrain dans le périmètre de protection d’une source d’EMN, le silence gardé par le préfet vaut décision de rejet au bout de deux mois, et non plus de quatre mois.

• Art. R. 1322-25 : Lorsque le propriétaire d’une source d’EMN demande au préfet d’interdire des travaux dans le périmètre de protection, le silence gardé par le préfet pendant plus de deux mois vaut rejet de cette demande.

• Art. R. 1322-27 : Lorsque le propriétaire d’une source d’EMN demande au préfet de faire suspendre un sondage ou un travail souterrain entrepris en dehors du périmètre de protection, le silence gardé par le préfet pendant plus de deux mois vaut rejet de cette demande.

• Art. R. 1322-30 : Pour une source d’EMN, le directeur général de l’ARS est toujours destinataire du bilan annuel de la qualité de l’eau et du fonctionnement du système d’exploitation ; mais il n’est plus tenu de le transmettre au préfet : il le tient simplement informé en tant que de besoin.

• Art. R. 1322-37 : Le transport de l’EMN est interdit en tous récipients autres que ceux destinés au consommateur final.

Une même chaîne pourra embouteiller de l’eau minérale naturelle et de l’eau de source

• Art. R. 1322-37-1 (nouveau) : Une EMN et une eau de source peuvent être conditionnées sur une même chaîne de conditionnement, sous réserve que l’exploitant soit en mesure d’apporter, à tout moment, la preuve de la nature de l’eau conditionnée au regard de la dénomination de vente figurant sur l’étiquetage. L’exploitant garantit la traçabilité de l’eau conditionnée sur la chaîne de conditionnement.

• Art. R. 1322-44 : Cet article portait jusqu’à présent sur les prélèvements et les analyses de surveillance des EMN. Il ne s’applique désormais plus qu’à la partie principale de cette surveillance. En outre, les résultats des analyses de cette partie principale sont toujours transmis au directeur général de l’ARS, mais celui-ci n’en informe plus le préfet qu’en tant que de besoin.

• Art. R. 1322-44-4 : Les laboratoires agréés adressent les résultats des analyses d’EMN auxquelles ils procèdent à l’exploitant et au directeur général de l’ARS qui en informe le préfet en tant que de besoin.

• Art. R. 1322-44-18 : Quand un importateur demande au préfet l’autorisation d’importer en France une EMN étrangère, le silence gardé par le préfet vaut décision de rejet au bout de six mois, et non plus de quatre mois.

• Art. R. 1324-1 : Certaines infractions aux dispositions du CSP relatives à l’eau ne sont plus punies comme des contraventions de la 3classe, mais comme des contraventions de la 5classe.

• Art R. 1324-5 : Le fait de ne pas faire figurer, sur les étiquettes des bouteilles d’EMN, les mentions spéciales devant y apparaître, ou de faire figurer des mentions qui ne devraient pas y apparaître, n’est plus puni comme une contravention de la 3classe, mais comme une contravention de la 5classe.

Décret n2020-1094 du 27 août 2020 relatif à la sécurité sanitaire des eaux et des aliments (JO 29 août 2020, texte n24).

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